Jeûne intermittent chez les cyclistes : pour ou contre?

Par Ariane Lavigne, Dt.P., Nutritionniste-diététiste & Olympienne

Ariane Lavigne

Populaire et souvent associé à une méthode révolutionnaire pour perdre du poids ou améliorer les performances, le jeûne intermittent fait beaucoup jaser ces derniers temps. Lorsqu’on parle de jeûne, il s’agit de ne rien manger pendant une période prolongée. Il y a généralement trois options possibles :  

UN- Jeûne alternatif 

Il consiste à ne rien manger pendant 24h, une à plusieurs fois par semaine. Un peu comme : tout ou rien!

DEUX- Jeûne modifié

Il consiste à manger normalement 4 ou 5 jours par semaine, puis à manger seulement 25% des apports énergétiques habituels pour les journées restantes. Exemple : pour une personne qui consomme en moyenne 2000 calories par jour, il faudrait manger que 500 calories par jour au moins 2 fois par semaine.

TROIS- Jeûne avec alimentation limitée dans le temps (ALT)

Il consiste à ne rien manger pendant une période généralement de 16 heures, puis à manger à sa faim dans l'intervalle de temps restant «permis». Exemple : la période de jeûne pourrait être de 8pm à midi, et la période « permise »pourrait être de midi à 8pm.

Efficace pour la perte de poids?

Oui : les 3 options de jeûne ont été démontré efficaces pour perdre du poids. Mais en fait, selon des études publiées jusqu’à maintenant,  une restriction calorique continue donne des résultats comparables au jeûne intermittent! Il peut alors s’agir d’une alternative recommandable dans la gestion de poids, si ce type d’alimentation convient bien à votre mode de vie. Il est cependant très important de rester à l’écoute de nos signaux de faim et satiété, d’entretenir une alimentation équilibrée et une saine relation avec la nourriture. Une restriction rigide et sévère pourrait mener à une déficience en nutriments, un déséquilibre électrolytique, un trouble alimentaire, une reprise de poids... comme bien d’autres régimes. Restez à l'affût afin de ne pas tomber dans ce piège!

Performances sportives :

L’impact de cette diète varie selon le type de sport pratiqué.

●     Sport de résistance : Si vous faites principalement de la musculation par exemple, le jeûne intermittent (le type ALT étant plus étudié) ne devrait affecter votre force musculaire (en comparaison avec une alimentation plus répartie dans la journée).

●     Sport d’endurance : Si vous êtes triathlète ou cycliste avec un haut volume d'entraînement, il faut surtout éviter le jeûne prolongé tel l’alternatif ou le modifié, car ils auraient des impacts négatifs sur l’endurance à l’effort. Le jeûne ALT présente des résultats conflictuels, mais reste intéressant surtout pour créer des adaptations métaboliques (oxydation des lipides à l’effort) avec des athlètes de haut niveau. L’alimentation avant-pendant-après l’entraînement devra être minutieusement structurée afin d’optimiser les séances et la récupération.

●     Sport de haute intensité : Pour les cyclistes qui font des séances plus courtes mais avec des efforts explosifs et des sprints (tel le powerwatts!), la demande en glycogène (glucides) est très élevée. Le jeûne peut alors engendrer un déclin de performance dans ce type d’effort, surtout dans les premiers jours. Une adaptation sur le plus long terme reste envisageable, surtout avec le jeûne de type ALT.

Comme toute diète, des effets secondaires tels que la faim, la fatigue, des maux de tête, des étourdissements ou une irritabilité peuvent se manifester. Si ces symptômes sont fréquents et viennent affecter votre humeur, votre qualité de vie et vos performances, alors il sera difficile de persister…

Mon opinion personnel :

Avant d’entreprendre cette méthode quelque peu drastique pour perdre du poids, je suggère souvent de débuter avec des changement d’habitudes de vie de base, mais qui peuvent être très payants :

1) Faire place à des aliments soutenants: Assurez-vous une source de protéines à chaque repas ou collations (ex. produits laitiers faibles en gras, viandes maigres, poissons, légumineuses, tofu, tempeh etc.). En plus d’aider à la récupération post-entraînement, elles permettent de mieux soutenir entre les repas.

Quant aux aliments riches en fibres (ex. fruits et légumes, grains entiers, légumineuses, etc), ceux-ci permettront également d’augmenter le temps de digestion et d’assurer la satiété.

2) Boire régulièrement de l’eau: Parfois notre cerveau croit avoir faim mais en réalité c’est la soif qui le tiraille. Hydratez-vous bien durant vos séances d'entraînement, et tout au long de la journée.  Si vous trouvez l’eau trop neutre, « jazzer-la » avec des tranches d’agrumes ou des fines herbes. Quant à l’alcool, qu’on le veuille ou non, il s'agit de calories superflues que vos muscles ne pourront utiliser comme carburant… Buvez du meilleur vin mais moins souvent ☺

3) On mange de tout! Nul besoin d’éliminer les « 3 P » (pain, pâtes, patates), mais viser à ce que le ratio des légumes prenne 50 % de la place dans votre assiette : une bonne façon de voir la vie en couleurs! Réduisez la grosseur de vos portions en général en utilisant une assiette de plus petite dimension, et entraînez-vous à manger plus lentement pour savourer chaque bouchée.

4) Optimisez vos séances d'entraînement :  Assurez-vous d’inclure des glucides avant, pendant (si >1 heure) et après vos séances de Powerwatts. Ce carburant de choix (contenu par exemple dans les fruits, le gruau, le pain, les barres de céréales etc.), permet d’optimiser la qualité des entraînements et de pousser plus de watts!

Conclusion :

Le jeûne intermittent n’est pas magique, il s’agit simplement d’une autre façon de procéder, et qui vient avec ses avantages et ses inconvénients. Demeurez vigilant car la meilleure diète est celle qui vous permet d’acquérir et de conserver de nouvelles habitudes alimentaires, dans un processus agréable et durable! Étant donné que chaque personne réagit différemment à l’alimentation, une approche individualisée est généralement de mise, car les résultats et l’adhérence peuvent grandement varier d’un individu à un autre. N’hésitez pas à consulter un/une nutritionniste pour vous orienter stratégiquement dans la bonne direction!

 

Sources :

  1. Extenso (2017). L’effet du jeûne sur le poids, le cancer et certaines maladies chroniques.

  2. Tinsley, G. M., and La Bounty, P. M. (2015). Effects of intermittent fasting on body composition and clinical health markers in humans. Nutr Rev, 73(10): 661-674

  3. Aksungar, F. B. et al. (2017) Comparison of intermittent fasting versus caloric restriction obese subjects : a two year follow up. J Nutr Health Aging. 21:681. Doi :10.1007/s12603-016-0786-y.

  4. Levy, E., and Chu, T. (2019). Intermittent Fasting and Its Effects on Athletic Performance: A Review. Nutrition and Ergogenic Aids, 8(7): 266-269